Un artiste-peintre réalisant une œuvre pour le compte d’une SARL en contrepartie d’une rémunération n’est pas titulaire d’un contrat de travail s’il ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un lien de subordination.
Le lien de subordination est défini par la jurisprudence comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Pour la jurisprudence, l’existence d’un contrat de travail est essentiellement caractérisée par le lien de subordination.
En effet, le travailleur indépendant exécute une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération mais sans être subordonné au donneur d’ordres. C’est l’absence de lien de subordination qui le distingue du salarié.
Cette distinction entre travail indépendant et salariat est illustrée par l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier. Celle-ci a appliqué la notion de lien de subordination afin de déterminer si une artiste-peintre était salariée ou artiste indépendant.
Nb > Les auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques (peintres, graphistes, sculpteurs...), qui ont la qualité de travailleur indépendant, relèvent du régime spécifique de protection sociale des artistes auteurs. Les revenus artistiques donnent lieu à cotisation auprès de la Maison des artistes. Cependant, ces professionnels indépendants doivent être identifiés comme tels auprès des organismes sociaux et fiscaux, et les conditions dans lesquelles s’effectue la prestation de travail ne doivent pas être susceptibles d’entraîner une requalification en contrat de travail.
En l’occurrence, une artiste-peintre qui avait réalisé des fresques murales dans un café-bar-glacier exploité par une SARL (Société à Responsabilités Limitées), demandait à ce que la relation la liant à cette SARL soit qualifiée de contrat de travail.
Elle avait été sollicitée pour réaliser initialement un projet de dessin pour la façade extérieure du bar contre une rémunération de 7000 F net par mois. Puis, elle avait également réalisé une œuvre sur les murs intérieurs de l’établissement, ainsi qu’une enseigne. A l’issue de ces différents travaux, la SARL avait refusé de lui verser la somme de 25000 F à titre de salaire et lui réclamait une facture à titre d’honoraires d’artiste libérale. L’artiste-peintre avait donc saisi les tribunaux d’une demande en paiement de salaires.
Devant la cour d’appel de Montpellier, l’artiste soutenait qu’elle avait travaillé sous la direction de la gérante de la SARL et de son compagnon, et qu’elle avait utilisé les matériaux fournis par la SARL.
Pour la SARL, au contraire, les travaux avaient été réalisés en toute indépendance, la gérante de l’établissement ou son compagnon ne pouvant lui donner de directives dans un domaine où ils n’avaient aucune compétence ; en outre, l’artiste n’avait réclamé à la SARL aucun salaire pendant toute la durée des travaux, soit six mois.
La cour d’appel a constaté que l’artiste ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail, le critère du lien de subordination n’étant pas établi. En effet, pour prouver l’existence d’un contrat, l’artiste-peintre s’appuyait sur des attestations de personnes l’ayant vu travailler à sa fresque en présence de la gérante et de son compagnon.
Mais pour la cour, le lien de subordination ne peut se déduire de la seule co-présence sur les lieux de travail ; il nécessite des directives dans l’exécution du travail, ainsi que l’exercice d’un contrôle.
La seule approbation des propositions de l’artiste relatives aux objectifs du travail étaient insuffisantes ; ces propositions ne concernaient pas les modalités d’exécution du travail, il ne s’agissait donc pas de directives susceptibles d’établir l’existence d’un lien de subordination. La cour a ainsi constaté que l’artiste ne rapportait pas la preuve qu’elle avait reçu des directives de la part de la gérante de la SARL.
En outre, l’artiste soutenait qu’elle avait travaillé selon des horaires fixés par la gérante de la SARL et son compagnon. En l’espèce, la cour a jugé que cet argument était insuffisant pour démontrer l’existence d’une relation de travail subordonnée : en raison de la nature des travaux, ceux-ci étaient réalisés dans le bar, fermé au public à cette époque de l’année ; il était par conséquent normal de convenir des horaires de présence.
Nb > Soulignons cependant, que dans certaines décisions jurisprudentielles, la fixation d’horaire est retenue comme un indice permettant de caractériser l’existence d’un lien de subordination. A été ainsi qualifié de salarié, le signataire d’un contrat de développement qui s’était engagé en tant que travailleur indépendant à fournir à une société des scènes cinématiques et des dialogues pour supports informatiques. En effet, même s’il bénéficiait d’une certaine indépendance technique en raison du savoir-faire et de la créativité que supposait son activité, les juges ont retenu que :
la société déterminait la charge de travail imputable et fixait les dates auxquelles les travaux devaient être terminés ;
il était placé sous l’autorité d’un responsable qui prévoyait le travail à faire ;
il exerçait son activité dans les locaux de l’entreprise, avec le matériel qu’elle lui fournissait et selon un horaire fixé par elle qu’il se devait de respecter.
La cour a ainsi jugé que, compte tenu des conditions dans lesquelles les fresques avaient été réalisées, il ne s’agissait pas d’une prestation salariée. L’artiste avait réalisé une oeuvre originale de création artistique, signée de son nom, sur la base d’un projet qu’elle avait elle-même élaboré, dans un domaine où la patronne de bar n’avait aucune compétence et par conséquent n’avait aucune possibilité de diriger et contrôler la bonne réalisation.