Licenciement et procédures prud’homales

M. Gérard Bailly appelle l’attention de M. le ministre délégué aux relations du travail sur les conséquences fâcheuses de l’application de l’article L. 122-14-3 du code du travail, tel qu’il résulte de l’article 28 de la loi n° 89-549 du 2 août 1989 modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique. Cet article stipule « Si un doute subsiste, il profite au salarié » et a introduit une modification profonde du contentieux du licenciement. Introduit dans une loi relative au licenciement économique, il s’applique néanmoins à toute forme de licenciement. L’avantage consenti au salarié en cas de doute crée une situation inéquitable et renverse le régime français de la charge de la preuve. Entendant modifier les modalités du contrôle exercé par le juge sur le caractère réel et sérieux du motif du licenciement, cette notion de « doute » du juge trouve mal sa place dans la logique d’une procédure où le juge, appréhendant la totalité des éléments d’un dossier, doit forger sa conviction. Seize ans après le vote de cette loi, on constate que cet article du code du travail systématiquement employé dans les procédures prud’homales, pénalise les employeurs et témoigne d’une idéologie de suspicion à l’égard de l’entreprise. Dans un contexte économique difficile, où les contraintes pesant sur les entreprises françaises sont déjà nombreuses et jouent contre leur compétitivité tant au niveau européen qu’international, il lui demande ce qu’il entend proposer pour revenir sur cette disposition contestable et source d’inégalités. [(L’attention du Gouvernement a été appelée sur l’application du dernier alinéa de l’article L. 122-14-3 du code du travail introduit par la loi n° 89-549 du 2 août 1989 et qui dispose que s’il subsiste un doute sur le caractère réel et sérieux du motif invoqué pour justifier un licenciement, il doit profiter au salarié.)] Le juge apprécie, en cas de litige, la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement incombe indistinctement à l’une et l’autre des parties, mais il appartient à l’employeur d’alléguer les faits sur lesquels il fonde le licenciement. Ces éléments permettent au juge de vérifier la cause exacte du licenciement. Cette disposition de l’article L. 122-14-3 a fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel comme rompant le principe d’égalité des citoyens devant la loi. Le recours a été rejeté, au motif que « c’est seulement dans le cas où le juge sera dans l’impossibilité, au terme d’une instruction contradictoire, de former avec certitude sa conviction sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement, qu’il sera conduit à faire application du principe selon lequel le doute profite au salarié ». La jurisprudence de la Cour de cassation sur ce thème, en date notamment du 16 juin 1993 et du 6 octobre 1999, met en oeuvre ce principe à l’issue de l’instruction contradictoire par le juge. Il semble que le dernier alinéa de l’article L. 124-14-3 ne soit pas fréquemment mis en oeuvre dans les procédures prud’homales. [(Quant au licenciement économique, non concerné par ce principe, il appartient au juge du fond d’apprécier le caractère sérieux du motif économique de licenciement invoqué par l’employeur.)] Ainsi, le Gouvernement a-t-il privilégié, dans le cadre de la loi de cohésion sociale, l’adaptation des règles de notre droit du licenciement afin d’offrir à nos entreprises et à leurs salariés les instruments leur permettant d’appréhender dans des conditions de sécurité partagées les mutations économiques auxquelles elles peuvent être confrontées.