Une société de production de disques doit solliciter l’autorisation des artistes interprètes lorsqu’elle souhaite réaliser des compilations.
Un artiste interprète avait signé avec une société de production de disques trois contrats d’enregistrement du 1er novembre 1963 au 30 avril 1964, du 1er mai 1964 au 30 octobre 1968 et du 9 décembre 1966 au 1er novembre 1973.
[(Dans ces contrats, l’artiste avait consenti une autorisation générale d’exploitation des enregistrements à la société de production.)]
Suite à ces contrats, la société avait reproduit les enregistrements dans des compilations comportant certaines des œuvres de l’artiste, ainsi que celles d’autres chanteurs. L’artiste avait alors saisi les tribunaux afin d’obtenir la résiliation des contrats et des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi.
La cour d’appel de Paris avait estimé que l’autorisation générale d’exploitation consentie dans les contrats, « impliquait la possibilité de dissocier les œuvres réunies dans les différents albums, ainsi que de procéder à des compilations, notamment des compilations comportant plusieurs interprètes. » La société pouvait donc réaliser des compilations.
Cette décision n’a cependant pas été confirmée par la Cour de cassation. En effet, la Cour a considéré que, pour réaliser les compilations, la société de production devait solliciter l’accord de l’artiste. Elle s’est appuyée sur l’article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle. Cet article prévoit que « l’artiste interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation".
La Cour de cassation a considéré que cet article pose un principe d’ordre public, c’est-à-dire que ce principe ne peut être écarté par un contrat. Toute clause contraire à cette disposition est donc nulle. La Cour en a déduit que ce « principe d’ordre public s’oppose à ce que l’artiste abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement qu’il déciderait de réaliser ».
[(Ainsi, le droit de l’artiste interprète au respect de son nom et de son interprétation s’oppose à ce qu’il abandonne tout droit de regard quant aux utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement qui seraient réalisés sur son interprétation.
Ce droit s’oppose donc à ce qu’un artiste autorise, de façon préalable et générale, un producteur à prendre seul ce type de décisions.)]
Ainsi, si une telle disposition est prévue dans un contrat conclu entre un artiste et un producteur, elle est nulle. Le producteur doit donc solliciter l’autorisation de l’artiste pour procéder à toute compilation, réédition, ou autre anthologie. [( Par conséquent, pour la Cour de cassation, bien qu’une autorisation générale d’exploitation accordée par l’artiste ait été prévue dans les contrats, la société de production ne pouvait s’appuyer sur ceux-ci pour réaliser des compilations. Elle devait solliciter l’autorisation de l’artiste.)]