Chambre sociale de la Cour de cassation, 25 juin 2003, n° 1747 F-D, Association atelier de formation et de développement c/ Colin
La reprise d’une activité conduit au maintien des contrats de travail si elle s’accompagne de la transmission des moyens indispensables à l’exploitation de cette activité. Par conséquent, les licenciements des anciens salariés ne sont pas valables.
Lorsque la situation juridique d’une structure est amenée à évoluer, les droits des salariés sont protégés par le code du travail.
L’article L. 122-12 du code du travail pose le principe du maintien des contrats de travail lorsque l’activité de la structure est reprise par un nouvel employeur.
En effet, cet article précise que «
s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Cependant, le maintien des contrats de travail n’est pas automatique. Les conditions de l’application de l’article L. 122-12 du code du travail ont été définies par la jurisprudence.
En constitue une illustration, la reprise d’une activité de formation exercée auparavant par une association.
Cette association avait été mise en liquidation judiciaire. Les salariés avaient alors été licenciés pour motif économique.
L’activité de formation ayant par la suite été poursuivie par une autre association créée dans ce but, une ancienne salariée avait alors demandé à celle-ci de maintenir son contrat de travail. N’ayant pas obtenu satisfaction, elle avait saisi les tribunaux.
Nb > La nouvelle association avait embauché une partie du personnel de l’ancienne structure.
Condamnée par les juges d’appel, l’association invoquait devant la Cour de cassation que la reprise de l’activité de formation ne permettait pas de conclure, à elle seule, que le contrat de travail était maintenu. Il fallait, en outre, que les moyens nécessaires à l’exploitation de cette activité soient transmis à l’association.
En effet, selon la jurisprudence, le maintien des contrats de travail nécessite qu’il y ait transfert d’une entité économique autonome. Or, cette entité doit comprendre les éléments nécessaires à l’exercice d’une activité économique : éléments corporels (bâtiments, ateliers, terrains, matériel, stock...) ou incorporels (clientèle, droits sur une marque, bail commercial...).
Cependant, la Cour a rejeté l’argument de l’association.
Selon les juges, les éléments incorporels permettant d’exercer l’activité de formation avaient été transférés à l’association puisqu’elle poursuivait les contrats de formation et les projets de la première association.
En effet, la nouvelle association avait signé une convention avec l’Etat dont le cahier des charges précisait qu’elle poursuivrait les contrats et les projets de la précédente structure.
En outre, un courrier adressé par le préfet de la région au député-maire, mentionnait que la «
nouvelle association devrait asseoir le démarrage de son activité sur le carnet de commandes » de la précédente association.
Enfin, la nouvelle association avait invité les anciens salariés à une réunion d’information, dans les termes suivants : « (...)
L’ensemble des partenaires acceptent de signer la poursuite des contrats et la reprise des projets engagés » par la première association.
Nb > L’activité de formation exercée successivement par les deux associations s’inscrivait dans le cadre d’un atelier de pédagogie personnalisé. Ces ateliers sont destinés à assurer des actions de formation sur un secteur géographique déterminé ; cette activité est agréée par le ministère du Travail et financée par des fonds publics.
Même si le transfert ne portait que sur des éléments incorporels (reprise des contrats de formation et des projets), et du fait que la reprise de l’activité s’accompagnait de la transmission des moyens indispensables à son exercice, les juges ont donc considéré que le contrat de travail de l’ancienne salariée aurait dû être poursuivi au sein de la nouvelle association.
Ainsi, même si la salariée avait été licenciée par la première association, l’association repreneur de l’activité aurait dû maintenir son contrat. Elle est alors condamnée à lui verser des dommages et intérêts puisque son licenciement n’était pas valable.
Nb > Néanmoins, lorsque la poursuite des contrats de travail s’impose au repreneur, celui-ci a la possibilité de licencier les personnes qu’il a été obligé d’intégrer dans la nouvelle structure, si les conditions sont réunies. Il s’agira le plus souvent de licenciements pour motif économique nécessités par la réorganisation de la structure.
Cet arrêt de la Cour de cassation démontre qu’il n’est pas nécessaire que la cession d’activité soit formalisée pour que les contrats de travail soient maintenus.
Autrement dit, l’absence d’un écrit, d’une convention passée entre le cédant et le repreneur n’empêche pas la poursuite des contrats de travail.
Le maintien des contrats de travail s’impose lorsque les moyens nécessaires à l’exercice de l’activité sont transmis, et ce même si le transfert ne porte que sur des éléments incorporels (contrats, conventions en cours, etc...).