Cour d’appel de Grenoble, chambre sociale, 25 juin 1999, Sté Radio France c/Martin et autres Remarque : La réglementation a pu être modifiée depuis la date de publication ; nous vous conseillons donc de consulter également les dossiers et les questions sur le thème.
Le caractère polyvalent des emplois occupés et la variété des émissions animées ont conduit la cour à considérer que les salariés participaient à l’activité normale et permanente d’une société de radiophonie.
Cette affaire concernait 5 salariés qui avaient été engagés pour des fonctions d’animateurs ou de présentateurs par contrat à durée déterminée. Ces CDD avaient été renouvelés entre 22 et 72 fois sur des périodes variant entre 2 et 7 ans. Ces salariés avaient obtenu devant le Conseil de Prud’hommes la requalification de leurs contrats en contrat à durée indéterminée (CDI).
L’employeur faisait appel du jugement en s’appuyant sur deux arguments principaux :
dans le secteur de l’audiovisuel, l’usage du recours à des CDD est reconnu par la loi ;
les emplois d’animateur sont par nature temporaires puisque liés à la diffusion d’émissions éphémères et à une grille de programmation évolutive.
La cour d’appel de Grenoble n’a pas retenu ces arguments et a confirmé la requalification en CDI.
Comme la cour le rappelle dans sa décision, l’article L 122-1-1 du code du travail permet la conclusion de CDD dans certains secteurs où il est d’usage constant de ne pas recourir à des contrats à durée indéterminée, pour les seuls emplois temporaires.
Les secteurs dans lesquels des CDD dits « d’usage » peuvent être conclus sont limitativement énumérés par l’article D 121-2 qui liste notamment les activités suivantes : « les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, l’information, la production cinématographique, l’enseignement, l’édition phonographique, les centres de loisirs et de vacances ».
En l’espèce, la cour d’appel a retenu :
qu’il était acquis que l’activité de la radio relève d’un de ces secteurs ;
que l’usage de recourir à des CDD pour des emplois d’animateurs, de présentateurs était établi.
Cependant, il convenait de déterminer si les emplois occupés par les salariés présentaient un caractère de nature temporaire.
Or, la cour a considéré que les emplois en cause ne comportaient pas ce caractère par nature temporaire en s’appuyant sur plusieurs éléments :
les salariés avaient tous été embauchés, non pas pour animer des émissions dénommées, déterminées, avec un terme, mais pour animer des tranches horaires sans contenu défini ;
sur ces tranches horaires, les émissions étaient variées et classiques, se composant de chroniques de la vie quotidienne, de bulletins météorologiques et d’informations (etc.). Cette variété a permis la polyvalence des animateurs qui se sont mutuellement remplacés à l’occasion de congés ou de stages pour animer les mêmes tranches horaires.
Le renouvellement des programmes et leur caractère évolutif ne constituait pas en l’espèce un motif puisque l’employeur avait fait appel aux mêmes personnes, de manière continue et pendant de nombreuses années, pour animer des tranches horaires concernant des émissions de thèmes variés. Ainsi, les salariés participaient à l’activité normale et permanente d’une société de radiophonie. Leur contrat devait donc être requalifié en CDI.
Rappelons que pour les CDD d’usage, les règles qui limitent par le nombre de renouvellements et la conclusion de CDD successifs ne s’appliquent pas. Pour les CDD de ce type, le renouvellement des contrats n’induit pas automatiquement la requalification en CDI. Cependant, les renouvellements, le caractère quasi continu des engagements (CDD successifs) et la durée globale, constituent un indice de la participation à l’activité normale et permanente de l’employeur.
En l’occurrence, la cour a retenu cet indice mais c’est surtout le caractère polyvalent des emplois occupés et la variété des émissions animées qui ont conduit la cour à considérer qu’ils étaient liés à l’activité normale et permanente de la radio et non à des programmes évolutifs nécessitant d’être renouvelés.
Cette décision fournit un nouvel exemple d’une jurisprudence constante sur le CDD d’usage : le fait que l’activité de l’employeur relève d’un secteur pour lequel le recours au CDD d’usage est autorisé et le fait qu’il soit d’usage, dans ce secteur, pour ce type d’emploi, de recourir au CDD, ne suffisent pas à justifier un contrat à durée déterminée. Encore faut-il que l’emploi occupé soit temporaire par nature, ce qui n’est pas le cas lorsque l’emploi est, en fait, lié à l’activité permanente de l’employeur. Ce caractère temporaire par nature s’apprécie en fonction de la nature des activités exercées par l’employeur, de la nature des activités pour lesquelles le salarié est engagé et de la nature des fonctions et des tâches qui lui sont confiées.