En plus de la déduction normale de 10 % accordée à tous les salariés, certaines professions bénéficient, en matière d’impôt sur le revenu, d’une déduction forfaitaire pour frais professionnels.
La possibilité d’appliquer cette déduction forfaitaire supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu avait été totalement supprimée à compter de l’imposition des revenus de 2001. Du fait de cette suppression, le ministère de l’emploi avait garanti dans l’arrêté du 20 décembre 2002 le maintien de la pratique des abattements en matière sociale.
Pour les professions qui bénéficiaient de la déduction en matière fiscale, l’employeur était donc autorisé à pratiquer sur la base des cotisations un abattement correspondant au taux de cette déduction (20 % ou 25 % selon les cas).
Néanmoins, le Conseil d’Etat a procédé à l’annulation de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002, privant cette pratique de tout fondement légal. Une circulaire du 3 mai 2005 autorisait le maintien de la pratique dans l’attente de la parution d’un nouvel arrêté.
L’arrêté du 25 juillet 2005 rétablit à l’identique la pratique de la déduction forfaitaire spécifique et reprend des précisions qui avaient été apportées dans une circulaire de janvier 2003 en leur donnant un fondement réglementaire incontournable.
SALARIÉS POUVANT BÉNÉFICIER DE L’ABATTEMENT
La liste des professions pour lesquelles l’employeur peut appliquer l’abattement pour frais professionnels est strictement limitative. Elle est fixée par l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts.
Ainsi, dans le secteur du spectacle vivant, l’abattement concerne uniquement :
- les artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques pour lesquels il est fixé à 25 % ;
- les artistes musiciens, choristes, chefs d’orchestres et régisseurs de théâtre pour lesquels l’abattement est fixé à 20 %.
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LA BASE DE CALCUL DES COTISATIONS (BRUT ABATTU)
Lorsque l’employeur choisit d’opérer l’abattement forfaitaire, les éventuelles indemnités ou frais professionnels doivent être ajoutés à la rémunération brute du salarié avant de pratiquer l’abattement. Les cotisations sociales se calculent donc sur les rémunérations brutes auxquelles on ajoute les indemnités pour frais professionnels (remboursement de frais réels, allocation forfaitaire ou défraiement) ; cette somme est ensuite diminuée du montant de l’abattement :
> Hypothèse 1
Un artiste dramatique reçoit 2 cachets de 380 €, soit 760 € :
- son brut abattu est de 760 – 190 (25 % de 760) soit 570 €
> Hypothèse 2
Un artiste dramatique reçoit 2 cachets de 380 €, soit 760 €, et une indemnité de défraiement de 120 € :
- son brut abattu est de 760 + 120 – 220 (25 % de 880) soit 660 €.
Toutefois, l’abattement ne doit pas avoir pour effet de ramener l’assiette des cotisations de sécurité sociale à un montant inférieur au SMIC. Si c’est le cas, les cotisations devront être calculées sur une assiette correspondant au SMIC.
COTISATIONS CONCERNÉES
Cet abattement s’applique sur la base de calcul des cotisations de sécurité sociale, des cotisations Assédic, de retraite complémentaire AGFF, de la taxe d’apprentissage, des contributions à la formation professionnelle continue et à l’effort de construction, de la taxe sur les salaires.
En effet, depuis le 1er janvier 2002, l’assiette de la taxe sur les salaires est alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale. Ainsi, depuis cette date, l’abattement pour frais professionnels peut être déduit de l’assiette de la taxe sur les salaires puisqu’il reste applicable pour le calcul des cotisations sociales.
Par contre, il n’est applicable ni sur l’assiette des cotisations dues à la caisse des Congés Spectacles ni sur celle des cotisations dues à la médecine du travail.
PLAFOND ANNUEL
La possibilité de pratiquer cet abattement est limitée, pour chaque salarié, à 7600 € par an et par employeur (50 000 F avant le 1er janvier 2002).
Par exemple, lorsque le montant brut des salaires versés à un musicien atteint 38 000 € au cours d’une année, l’abattement ne peut plus être pratiqué sur les cachets suivants.
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OPTION DE L’EMPLOYEUR
L’employeur peut opter pour l’application ou non de l’abattement forfaitaire. Il peut donc renoncer à son application.Une circulaire du 4 août 2005 précise que l’abattement forfaitaire n’est pas acquis de plein droit et que c’est à l’employeur de revendiquer expressément le bénéfice de cette option. Cette option peut être révisée en fin d’année ; c’est donc en pratique sur la DADS que l’option est définitivement prise.
CONSULTATION PRÉALABLE DU SALARIÉ
L’option de l’employeur est soumise à consultation préalable du salarié (ou des représentants du personnel).
Avant de pratiquer l’abattement, l’employeur doit au préalable recueillir l’avis du salarié sur cette option (acceptation ou refus).Le refus du salarié entraîne l’impossibilité pour l’employeur d’exercer l’option
Cette acceptation ou ce refus de l’option peut :
- soit figurer dans le contrat de travail ou dans un avenant au contrat ; C’est par la signature de ce contrat ou avenant que le salarié accepte que l’employeur puisse exercer l’option.
- soit faire l’objet d’une procédure consistant à informer individuellement chaque salarié de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits. Cette information doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception et accompagnée d’un coupon réponse d’accord ou de refus par le salarié. L’arrêté ne précise pas le délai de réponse imparti au salarié.
L’option de l’employeur peut également être autorisée par une convention ou un accord collectif du travail qui l’a explicitement prévu.
Nb > Cependant, à notre connaissance, les conventions collectives actuellement applicables dans le secteur culturel ne comportent aucune disposition sur ce point.
Pour les entreprises qui disposent de représentants du personnel, l’employeur peut opter pour l’abattement forfaitaire pour frais professionnels lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord.
Pour les salariés bénéficiant d’une déduction supplémentaire, l’employeur peut :
- appliquer l’abattement après avoir rajouté le montant des remboursements et indemnités de frais professionnels dans l’assiette des cotisations ;
- ne pas appliquer l’abattement ; dans ce cas les remboursements et les indemnités pour frais professionnels restent exclus de l’assiette des cotisations sociales si les conditions décrites sont remplies : remboursement sur justificatifs ou indemnité forfaitaire restant en dessous des limites admises par l’ACOSS (voir Frais professionnels et cotisations sociales).
Ainsi, si l’employeur ne pratique pas l’abattement, les cotisations sont calculées sur la rémunération brute du salarié. Parfois, ce choix sera plus favorable lorsque le montant des indemnités pour frais professionnels est supérieur à la valeur de l’abattement forfaitaire.Exemple >
Un comédien reçoit 2 cachets de 300 € et une indemnité de déplacement de 230 € :
- option pour abattement : le brut abattu est de 600 + 230 – 207,50 (25 % de 830 €) soit 622,50€ ;
- renonciation à l’abattement : le brut soumis à cotisations est de 600 €.
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CUMUL ABATTEMENT ET INDEMNISATION DES FRAIS PROFESSIONNELS
Lorsque l’employeur pratique l’abattement forfaitaire, les remboursements ou indemnités pour frais professionnels sont en principe soumis à cotisations (Cf. ci-dessus).
Néanmoins, il existe des exceptions à ce principe de noncumul de l’abattement et de l’exonération des indemnités pour frais professionnels. Pour ces exceptions, l’arrêté de 2002 renvoyait aux instructions fiscales et c’est pour cette raison que le Conseil d’État a annulé l’article 9 de l’arrêté de 2002.
L’arrêté du 25 juillet 2005 comporte la liste limitative des indemnités qui restent exonérées de cotisations sociales dans les conditions de droit commun même lorsque l’employeur pratique l’abattement forfaitaire.
Pour le secteur culturel, il s’agit notamment des indemnités suivantes :
- les indemnités journalières de « défraiement » versées aux artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques ainsi qu’aux régisseurs de théâtre, qui participent à des tournées théâtrales ;
- les allocations de « saison », allouées aux artistes, musiciens, chefs d’orchestre et autres travailleurs du spectacle qui sont engagés par les casinos, les théâtres municipaux ou les théâtres bénéficiant de subventions des collectivités territoriales pendant la durée de la saison ainsi que, le cas échéant, les remboursements de leurs frais de déplacement. Il en est de même pour les répétitions effectuées dans le cadre de la saison.
- les allocations et remboursements des frais perçus par les chefs d’orchestre, musiciens et choristes à l’occasion de leurs déplacements professionnels en France et à-l’étranger. Il en est de même pour les répétitions effectuées dans le cadre de ces déplacements.
Sont également exonérées :
- la prise en charge obligatoire du coût des titres de transport des salariés par les employeurs d’Ile de France et 50 % de la prise en charge totale ou partielle de l’abonnement mensuel par les employeurs de province ;
- la part contributive de l’employeur dans les titres-restaurant.
Néanmoins, l’application de ces exceptions pose souvent difficulté en pratique. En effet, pour les artistes dramatiques, lyriques, et chorégraphiques ainsi que pour les régisseurs de théâtre, la notion de « tournées » est appréciée diversement par les URSSAF.Ainsi, une URSSAF interrogée sur cette notion de « tournées » a précisé que les indemnités de déplacement allouées aux artistes des tournées théâtrales restent excluent de l’assiette de cotisations dans les conditions suivantes : « il doit s’agir d’un déplacement collectif de la troupe, sur plusieurs jours, impliquant pour les artistes une impossibilité de regagner le soir leur domicile ».
Pour une autre URSSAF, les contrats en province, les galas, les tournées doivent impliquer un grand déplacement (c’est à dire un temps de transport d’au moins 1h30 et une distance séparant le lieu des représentations du domicile des artistes d’au moins 50 kilomètres). A défaut, les indemnités ne pourront être exclues de l’assiette des cotisations.
Par ailleurs, concernant des musiciens engagés par un festival, une cour d’appel a jugé qu’en raison du caractère épisodique et ponctuel de leur intervention, les musiciens étaient en situation de déplacement professionnel, ce qui autorisait le cumul de l’abattement supplémentaire et du remboursement des frais réels (Voir Remboursements de frais à des musiciens et abattement).
Dans cette affaire, la cour a retenu que :
- les concerts donnés par l’association avaient eu lieu de façon épisodique
- les artistes étaient embauchés dans le cadre d’un festival de musique de quelques semaines par an, pour des prestations ponctuelles, souvent une manifestation d’une journée.
Cependant, cette décision d’une cour d’appel ne s’impose pas aux autres tribunaux ; de même que la position exprimée par une URSSAF ne vaut que pour le département concerné.